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Qu’est-ce qu’une thérapie ciblée ?

La notion de thérapie ciblée est un concept qui a pris son essor au début des années 1990. Les progrès de la recherche fondamentale ont permis d’établir que la cellule tumorale interagissait avec son environnement.

En effet, les cellules (tumorales ou non) possèdent de nombreux récepteurs capables de fixer des molécules libérées dans l’environnement de la cellule, comme par exemple des hormones ou d’autres molécules appelées facteurs de croissance. Ces molécules, en se fixant à leur récepteur vont entrainer une cascade de réactions, faisant intervenir de nombreuses protéines, parfois jusqu’au noyau cellulaire au niveau de l’ADN cellulaire. Ces réactions vont permettre en particulier d’activer ou d’inactiver certains gènes. Cette chaine de réaction s’appelle la transduction du signal. Dans le contexte d’une cellule tumorale, ces signaux vont permettre d’entretenir la prolifération, la survie ou encore les mécanismes de migration des cellules tumorales. Les thérapies ciblées sont développées pour interrompre ces signaux, soit au niveau du récepteur situé sur la membrane de la cellule tumoral, soit au niveau des molécules intracellulaires (protéines impliquées dans la transduction du signal).

Selon leur nature et leur mode d’action, ces molécules vont s’intégrer dans une stratégie thérapeutique globale où elles feront partie de schémas utilisant conjointement la chimiothérapie et/ou l’hormonothérapie et/ou la radiothérapie. De ce fait, le nombre de schémas thérapeutiques possibles devient élevé et le profil biologique de chaque tumeur oriente la décision thérapeutique vers un traitement de plus en plus personnalisé. Les approches thérapeutiques développées se sont considérablement multipliées au cours de la dernière décennie. On peut les distinguer selon deux modes de classification, le type de molécule d’une part et la voie de signalisation ciblée d’autre part.

En effet, on peut opposer les anticorps monoclonaux (« mab ») aux petites molécules inhibitrices (« ib »).
Les « mab » sont des grosses molécules qui reconnaissent avec une très grande précision (forte spécificité) leur cible thérapeutique, ce qui permet d’obtenir un traitement peu toxique, dont la toxicité est limitée à l’effet sur la cible thérapeutique. Ces anticorps peuvent parfois être adaptés pour induire une réponse immunitaire contre les cellules tumorales, ou encore pour délivrer une molécule de chimiothérapie hautement toxique uniquement à des cellules exprimant un certain récepteur (« anticorps conjugués »). Le revers de la médaille est que les anticorps ne peuvent atteindre que des cibles membranaires ou extracellulaires. Enfin, ces traitements sont administrés soit par perfusion intraveineuse soit par voie sous-cutanée.

Les « ib » sont des molécules qui permettent d’atteindre des cibles intracellulaires, ce qui a l’avantage d’augmenter considérablement le champ d’action des thérapies ciblées. Cette particularité leur permet aussi de passer la barrière digestive, ce qui permet de proposer des traitements par comprimés et de s’affranchir de la voie intraveineuse. Elles sont cependant moins spécifiques que les « mab » et sont souvent pourvoyeuses d’un nombre de toxicités plus important nécessitant parfois une surveillance rapprochée. Enfin elles ne sont pas capables d’induire une réponse immunitaire antitumorale.

Les thérapies ciblées d’oncologie peuvent aujourd’hui être regroupées en plusieurs familles selon le mécanisme moléculaire ciblé :
• Les récepteurs de la famille HER ;
• La transduction du signal et les seconds messagers ;
• L’angiogenèse
• Le cycle cellulaire
• La réparation de l’ADN

Les récepteurs de la famille HER

La famille des récepteurs membranaires HER (Human Epidermal Growth Factor Receptor) est constituée de quatre protéines (HER1, HER2, HER3, HER4). Ces récepteurs sont impliqués dans la prolifération et la différenciation cellulaire. Leur surexpression dans les tissus tumoraux est corrélée à un mauvais pronostic dans de nombreuses formes de cancers.L’activité thérapeutique passe par le blocage des signaux de transduction (Tableau I).

2.1 : les membres de la famille des inhibiteur de HER :

Tableau I. Molécules ciblant les récepteurs de la famille HER

Molécules Indications
Les anticorps monoclonaux
Cetuximab • Cancer colorectal métastatique
• Cancers ORL
Panitumumab • Cancer colorectal métastatique
Trastuzumab • Cancer du sein Her2+
• Cancer de l’estomac Her2+
Trastuzumab-emtansine (anticorps conjugué) • Cancer du sein Her2+
Les inhibiteurs de tyrosine kinase
Lapatinib • Cancer du sein métastatique Her2+
Gefitinib • Cancer bronchique non à petites cellules métastatique EGFR muté
Erlotinib • Cancer bronchique non à petites cellules métastatique EGFR muté
• Cancer du pancréas
Afatinib • Cancer bronchique non à petites cellules métastatique EGFR muté
Osimertinib • Cancer bronchique non à petites cellules métastatique EGFR muté

2.2 : Toxicités des principaux inhibiteurs de HER :

Le cetuximab est administré par voie intraveineuse. Ses principaux effets secondaires sont :
• Des réactions allergiques aiguës lors de la 1ère perfusion nécessitant l’administration préalable d’antihistaminiques afin d’en limiter la survenue ;
• Des toxicités cutanées sous forme de rash cutané, d’inflammation du pourtour des ongles, de sécheresse cutanée et des modifications du système pileux.
Le trastuzumab est administré par voie intraveineuse. C’est un médicament globalement bien toléré. On pourra noter cependant quelques effets secondaires :
• Réactions d’hypersensibilité immédiate, rarement sévères ;
• Toxicité cardiaque à type d’insuffisance cardiaque congestive chez les patients préalablement traités par anthracyclines.

La transduction du signal

Par définition, les inhibiteurs de la transduction du signal ciblent un messager intracellulaire. Toutes ces molécules sont administrées par voie orale, avec un spectre de toxicité souvent large et dépendant de la cible thérapeutique mais aussi spécifique à chacune des molécules au sein des familles d’inhibiteurs de la transduction du signal ou inhibiteur de tyrosine kinase. On peut distinguer la familles suivantes :

• Les molécules agissant directement sur Ras
• Les molécules agissant sur la voie PI3K/PTEN/AKT/mTOR.
• Autres voies moléculaires
Toutes ces molécules sont administrées par voie orale.

Tableau II. Molécules agissant sur la transduction du signal

Molécules Indications
Inhibiteur de RAF
Vemurafenib • Mélanome BRAF muté, autres tumeurs BRAF mutées
Inhibiteur de MET/MEK
Trametinib en association aux inhibituer de BRAF dans les tumeurs BRAF mutées, en monothérapie dans le cancer de l’ovaire séreux de bas grade
Inhibiteurs de la voie PI3K/PTEN/AKT/mTOR.
Les inhibiteurs de mTOR
Everolimus • Cancer du rein métastatique
• Cancer du sein métastatique
Alpelisib • Cancer du sein métastatique avec mutation de PI3K
Autres vois moléculaires :
Inhibiteur ALK, Ros
Crizotinib • Cancer bronchique non à petites cellules métastatique
Alectinib • Cancer bronchique non à petites cellules métastatique
Brigatinib • Cancer bronchique non à petites cellules métastatique
Ceritinib • Cancer bronchique non à petites cellules métastatique
Lorlatinib • Cancer bronchique non à petites cellules métastatique
cKIT /protéine BCR-ABL: Imatinib • Leucémie myéloïde chronique
• GIST

GIST, tumeurs stromales gastro-intestinales

Avec les inhibiteurs de mTOR, les effets secondaires les plus fréquents sont :
• Toxicité pulmonaire allant de la simple toux à la pneumopathie interstitielle ;
• Mucites ;
• Anémie ;
• Hyperglycémie ;
• Hypercholestérolémie ;
• Toxicité cutanée à type de rash cutané et d’acné.

Avec les gefitinib, erlotinib :
• Diarrhée ;
• Mucite ;
• Allongement des cils ;
• Sécheresse cutanée ;
• Conjonctivite ;
• Éruptions cutanées ;
• Troubles digestifs.

Avec le crizotinib :
• Troubles visuels ;
• Troubles digestifs ;
• Augmentation du taux d’enzymes hépatiques ;
• Douleur articulaire.

L’angiogenèse

L’angiogenèse est la formation de vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux préexistants. De ce fait, elle soutient la croissance tumorale et facilite le processus métastatique. C’est donc une cible intéressante dans la stratégie de lutte contre le cancer. Elle est régulée par un équilibre complexe entre divers facteurs naturels, parmi lesquels le facteur de croissance vasculaire endothélial (VEGF – Vascular Endothelial Growth Factor), apparaît comme un élément clé de l’angiogenèse.

Dans la plupart des cas, les agents anti-angiogéniques n’agissent pas directement sur les cellules tumorales mais sur une population cellulaire normale : les cellules endothéliales constitutives des vaisseaux sanguins. Ils n’éradiquent pas la tumeur mais en contrôlent sa croissance. Ces agents sont la plupart du temps utilisés en association avec une chimiothérapie classique ou en relais pour stabiliser une maladie résiduelle minimale, voire en traitement de maintenance. A noter que dans certains types tumoraux, comme dans le cancer du rein, les voies de signalisation de l’angiogenèse participent à la croissance tumorale indépendamment de l’action sur l’environnement péritumoral.

Parmi les principaux anti-angiogéniques disponibles, on retrouve :
• Bevacizumab indiqué dans le cancer colorectal métastatique, le cancer de l’ovaire, le cancer bronchique non à petites cellules métastatique non épidermoïde, le cancer du col de l’utérus métastatique
• Ramucirumab dans le cancer colorectal métastatique
• Axitinib : Cancer du rein métastatique seul ou en association avec l’immunothérapie
• Pazopanib : Cancer du rein métastatique, Sarcomes des tissus mous
• Sunitinib : Cancer du rein métastatique
• Cabozantinib : Cancer du rein métastatique
• Lenvatinib : Cancer de la thyroïde métastatique – En développement dans le cancer de l’endomètre métastatique en combinaison avec de l’immunothérapie

Avec le bevacizumab, les effets secondaires notoires sont :
• Hypertension artérielle ;
• Saignements ;
• Mauvaise cicatrisation ;
• Protéinurie généralement sans retentissement clinique.

Aves les « ib » s’y ajoutent les effets secondaires suivants :
• Syndrome main pied et irritation des muqueuses
• Diarrhée/constipation
• Dysthyroïdie
• Parfois perte de poids

Molécules ciblant le cycle cellulaire : les « ciclib »

Le cycle cellulaire est constitué de plusieurs phases de croissance dans lesquelles la cellule grossit et duplique son matériel génétique et d’une phase où celle-ci se divise pour donner naissance à deux cellules filles. Les « ciclib » : palbocilcib, abemaciclib et ribociclib, via l’inhibition des cdk 4/6, molécules clés du cycle cellulaire, empêchent la duplication du matériel génétique et donc la multiplication des cellules tumorales.

Avec le palbocicib et le ribociclib :
• Diminution des globules blancs et dans une moindre mesure des plaquettes et de l’hémoglobine
• Nausées,
• Diarrhées
•Perte d’appétit
• Mucite

Avec l’abemaciclib :
• Nausées, vomissements
• Diarrhées
• Douleurs abdominales
• Perte d’appétit
• Diminution des globules blancs

La réparation de l’ADN :

Les inhibiteurs de PARP sont une classe moléculaire de développement récent. Leur fonction est d’inhiber un des mécanismes de réparation de l’ADN. Or, certaines tumeurs présentent des défauts de réparation de leur ADN. L’introduction d’une seconde défaillance du système de réparation de l’ADN du fait de l’exposition à un inhibiteur de PARP va entrainer une mort cellulaire. Ces traitements sont largement prescrit dans le cancer de l’ovaire chez des patientes présentant une mutation de BRCA ou encore chez des patientes présentant des stigmates d’un défaut de la réparation de l’ADN (phénotype HRD) que l’on peut distinguer en réaliser une étude de l’ADN des cellules tumorales.

Olaparib : cancer de l’ovaire avec mutation de BRCA ou un phénotype HRD, cancer du sein avec mutation de BRCA, en développement dans le cancer de la prostate métastatique
Niraparib : cancer de l’ovaire
Rucaparib : cancer de l’ovaire
Talazoparib : cancer du sein avec mutation de BRCA, en développement dans le cancer de la prostate métastatique

Le profil de toxicité des inhibiteurs de PARP est assez similaire pour l’ensemble des molécules. On note en premier lieu la fatigue, les nausées et vomissement, l’anémie, la neutropénie et la thrombopénie (baisse des plaquettes, principalement ave le niraparib) ou la photosensibilité (principalement avec le rucaparib). De très rares cas de syndromes myélodysplasiques (maladie tumorale du sang) ont été observés sous inhibiteur de PARP sans que le lien de causalité ne soit formellement établi.